Deuxième escale : Les amas ouverts.
L’avantage des nuits d’été, c’est qu’elles sont généralement douces (enfin, en théorie). L’inconvénient, c’est qu’elles sont tardives, surtout à nos latitudes. Il faut donc s’armer de patience avant de pouvoir plonger dans les méandres merveilleux de la Voie Lactée. Lorsque le crépuscule se fait plus sombre, ce qui équivaut grosso-modo au crépuscule nautique, on peut alors commencer à pointer les amas d’étoiles, et en particulier les amas ouverts.
Un amas ouvert, qu’est-ce que c’est ? Bon, je répond d’abord à la question qui ne m’a pas été posée : il n’y a pas d’amas fermé… 😉 Un amas ouvert est tout simplement un amas d’étoiles qui se sont formées à partir d’un même nuage de gaz et de poussières (=> nébuleuses), à peu près en même temps. Au fil du temps, ces étoiles vont s’éloigner les unes des autres car elles ne sont pas liées mutuellement par la gravitation.L’amas ouvert, de plus en plus lâche, finira par se disloquer. Ce qui veut dire qu’il n’existe pas d’amas ouvert « ancien », ce sont des formations jeunes (quelques milliers d’années quand même)
Un petit exemple pour terminer : Certaines étoiles formant la Grande Ourse faisaient partie à l’origine d’un petit amas ouvert, pas plus gros que l’amas des Pléiades (l’équivalent du diamètre de la Lune). Elles en ont fait du chemin, depuis…
Dans les lignes qui vont suivre, vous lirez des noms comme Messier, Collinder, Kemble ou encore NGC, suivis de nombres. Il s’agit en fait de numéros de catalogues d’objets du ciel profond, établis par les astronomes cités ci-avant, ou tirés du New General Catalogue.
Voici quelques amas à découvrir dans un télescope ou simplement aux jumelles :
Le Cintre (Collinder 399)
L’un des incontournables de nos soirées d’observation de l’été. Collinder 399 est déjà repérable à l’œil nu comme une petite tache lumineuse coincée entre la constellation de la flèche et la tête du Cygne (Albireo), dans le Petit Renard. Il fait partie de ces objets larges qu’il est préférable d’observer dans des jumelles, où il est magnifique. Avec une lunette de courte focale, munissez-vous d’un oculaire grand champ et faible grossissement pour espérer contempler le cintre dans son intégralité. Pourquoi le cintre ? L’image ci-dessus est assez parlante… Une barre d’étoiles brillantes surmontées d’un crochet au centre. Vous l’aurez compris, il ne sert à rien de grossir , sinon, on se retrouve avec plus qu’un bout de cintre et la vision perd tout son intérêt !
Messier 11
Messier 11 est niché dans la petite constellation de l’Écu de Sobieski. Cette dernière impressionne plus par sa formidable concentration stellaire (on est dans la Voie Lactée) que par la figure qu’elle dessine (Aucune idée à quoi elle ressemble personnellement… 😳 )
Cet amas, surnommé aussi « l’amas du Canard Sauvage » se présente à l’œil nu ou aux jumelles comme une petite tache floue non loin de la pointe sud de la constellation de l’Aigle. Mais le spectacle devient vraiment vertigineux dans un télescope, à partir d’un 115 mm de diamètre. La tache floue devient alors un fourmillement extrêmement compact de plus de 500 étoiles. Un grossissement faible à moyen suffit à notre bonheur.
Je me souviens encore l’avoir admiré un soir d’été en bord de mer, face à l’océan. Cette vision, à tomber par terre, est gravée à jamais dans ma rétine…
Messier 21
Se promener aux jumelles dans la constellation du Sagittaire est déjà un éblouissement en soi. Avant de pointer les grandes nébuleuses de la région (en début de soirée en ce moment, le ciel n’est pas suffisamment sombre à nos latitudes, vous risqueriez d’être déçus), commencez déjà par observer quelques amas. Le plus difficile n’est pas de les observer, mais de les distinguer les uns des autres, tellement ce coin du ciel est riche en objets.
On distingue déjà aux jumelles ce petit groupe d’étoiles relativement brillantes formant M 21. Dans un télescope, cet amas, beaucoup moins riche et compact que M 11 par exemple, n’en est pas moins esthétique, de par la brillance des étoiles qui le composent. Vous pouvez choisir un grossissement moyen, pour l’amas, ou un grossissement faible et un grand champ, pour observer aussi la nébuleuse voisine M 20, cette dernière pouvant servir à repérer facilement l’amas.
Messier 23
À presque quatre degrés nord-ouest, en partant de M 21 précédemment évoqué, vous trouverez M 23, un amas ouvert facilement accessible aux jumelles, même les plus modestes. Cette petite tache floue est parfaitement résolue en étoiles dans un petit télescope. Doté de 140 astres environ, il ne faut pas trop chercher à grossir, le diamètre de cet objet peut se comparer à une pleine lune à son apogée (27 minutes d’arc). Avec un grossissement supérieur, l’aspect riche et compact de M 23 s’estomperait alors.
Messier 39
La région du Cygne est riche en amas ouverts, la difficulté étant de les distinguer sur fond de Voie Lactée particulièrement dense. Il en est un qui se distingue, notamment à l’œil nu, c’est M 39. Pour le repérer, si je vous dis qu’il se situe entre le Cygne et le Lézard, je ne suis pas sûr de vous aider… Sachez seulement qu’à l’œil nu, recherchez-le bien au nord de Deneb, l’étoile principale du Cygne, à 9 degrés d’écart.
Astuce : tendez votre main vers le ciel, la largeur de celle-ci, les doigts joints correspond à 10° sur la voûte céleste, avec le seul pouce écarté on arrive à 15°, et en écartant tous vos doigts, toujours bras tendu, la distance entre le pouce et l’auriculaire correspond à 20°
Sa forme triangulaire se distingue bien aux jumelles. Le spectacle sera d’autant plus intéressant que vous ne chercherez pas à grossir. Oculaire grand champ et instrument de courte focale sont à privilégier, car l’amas, composé d’une cinquantaine d’astres, est large comme la pleine lune.
IC 4665
Dernier objet typiquement d’été (les objets suivants peuvent être observés toute l’année), l’amas IC 4665 (IC pour Index Catalogue) se repère facilement à l’œil nu dans le ciel. C’est d’ailleurs par hasard que je suis tombé dessus un soir d’été, en parcourant la vaste constellation d’Ophiuchus. J’observais les alentours d’un petit triangle isocèle d’étoiles non loin de Beta Ophiuchus lorsque j’ai remarqué cette petite tache, au-dessus de cette dernière. La pointe ouest du petit triangle pointe aussi l’amas.
Pour l’observer, privilégiez une paire de jumelles ou des instruments de diamètre modeste, l’ensemble pauvre en étoiles (une trentaine) et étendu ne se prête pas à de forts grossissements. Il reste néanmoins très joli à regarder, notamment aux jumelles.
NGC 869 – 884
L’un des objets fétiche de toute soirée d’observation. Aussi connu sous le nom de « Double Amas de Persée », son repérage à l’œil nu est évident, comme deux petites taches cotonneuses entre les constellations de Persée et de Cassiopée. Splendide aux jumelles, il est nécessaire dans un télescope de privilégier un faible grossissement et un oculaire avec un grand champ de vision pour conserver la vision esthétique de ce duo d’amas composés respectivement de 400 et 300 étoiles. Avec un peu d’habitude, vous percevrez peut-être l’éclat rougeâtre de quelques étoiles géantes rouges. Incontournable !
NGC 457
Cet amas nous fait littéralement tomber en enfance, ou pire, devenir complètement zinzins. Lors de nos soirées publiques, des spectateurs médusés nous voient agiter les bras en l’air, à lancer à tue-tête « COUCOU, E.T.! » Le problème, c’est que cette « zinzinerie » est très contagieuse. Le public, d’abord perplexe, se met à son tour à tomber en enfance après avoir observé l’incroyable : E.T. l’extra-terrestre est retourné maison, d’où il nous fait coucou !
Pour repérer la maison d’E.T., rien de plus simple : vous prenez la première pointe du W de cassiopée, celle de gauche, vous tournez légèrement à droite, et vous y êtes ! À l’œil nu, vous ne distinguerez que l’œil le plus brillant du petit bonhomme. Aux jumelles, une tache granuleuse apparaît. Dans un télescope, avec un grossissement faible à moyen, l’effet est garanti, la vision est inoubliable…
NGC 7789
Aussi surnommée « la rose de Caroline Herschel », la bien nommée car il s’agit d’un objet délicat et esthétique, ngc 7789 est facile à repérer à trois degrés de l’étoile Caph de la constellation de Cassiopée, en tirant une ligne perpendiculaire au segment Caph – Shedir.
L’observer est ainsi un exercice délicat. Évitez les lumières parasites, une lune trop présente, car cette rose risquerait de s’éteindre. Constitué d’étoiles faibles, 200 environ, très compact, il s’apprécie dans un télescope avec un grossissement moyen. En sensations visuelles, il ressemble à M11, en beaucoup moins brillant. Magnifique et subtil.
Kemble 2
Et pour finir, un petit objet sympathique, Kemble 2 surnommé « Mini-Cassiopée ». L’objet est assez facile à repérer à partir du moment où l’on a visualisé un petit triangle équilatéral à l’angle très pointu, au niveau du corps du Dragon. Sous la base de ce triangle se niche « Mini-cass » pour les intimes. Comme le montre l’image, cet astérisme a bien la forme de la célèbre constellation en dessinant même un W moins déformé, miniature.
Observez le aux jumelles ou au télescope sans forcer sur le grossissement, son diamètre étant équivalent à celui de la pleine lune.