L’été est un bon moment pour partir à la découverte du ciel. A l’occasion de la Nuit des Étoiles, je vous invite à un petit voyage touristique et thématique du ciel. Embarquement immédiat !
Première escale : Les étoiles doubles.
L’avantage des nuits d’été, c’est qu’elles sont généralement douces (enfin, en théorie). L’inconvénient, c’est qu’elles sont tardives, surtout à nos latitudes. Il faut donc s’armer de patience avant de pouvoir plonger dans les méandres merveilleux de la Voie Lactée. Et pour patienter, rien de tel que de s’intéresser aux premiers objets perceptibles au crépuscule : les étoiles.
Oui, mais pas n’importe lesquelles. Quand un béotien observant une étoile dans un télescope la trouvera merveilleuse, l’astronome se montrera plus exigeant. La plupart du temps, un télescope n’apportera rien de plus à la vision d’une simple étoile. Ne vous étonnez pas si à votre question « Est-ce qu’on peut voir cette étoile dans le télescope ? », il vous est répondu « Oui, mais il n’y a rien à voir » Une simple étoile restera un objet ponctuel, sans grand intérêt, à quelques exceptions près (certaines étoiles laissent deviner une coloration marquée souvent très esthétique)
Heureusement, le bestiaire des étoiles regorge d’objets étonnants. C’est le cas des étoiles doubles. La magie d’une étoile double réside là : quand, à l’œil nu, vous ne voyez qu’une simple étoile banale, le télescope vous révélera un duo, un trio, un quatuor ou plus encore, d’étoiles très rapprochées (on parlera d’étoiles serrées lorsqu’elles sont à peine séparées).
L’autre magie des étoiles doubles vient de la perception de leur couleur, perception pas toujours aisée pour un œil non exercé. Des touches de jaune, orange, rouge, vert, bleu permettent des mélanges de couleurs souvent esthétiques. Par chance, le ciel d’été regorge de couples célestes particulièrement esthétiques. En voici quelques exemples.
Albireo
LA star de l’été. Considérée par beaucoup d’amateurs comme la plus belle des étoiles doubles du ciel boréal.
Facilement repérable car faisant partie de l’astérisme du Cygne (les yeux du Cygne, c’est elle), elle est aussi aisément accessible même aux instruments les plus modestes.
Mais ce qui fait son charme indéniable, c’est le contraste des couleurs : l’étoile principale est orangée quand sa compagne est bleutée. Un grossissement faible suffira.
Une règle d’or quand on observe les étoiles doubles : chercher le grossissement qui permette de tout juste séparer les composantes de l’étoile, c’est bien plus spectaculaire ainsi.
Mizar et Alcor
Visibles toute l’année car situées dans la queue de la Grande Ourse, Mizar et Alcor permettent d’expliquer la différence entre une étoile double optique et une étoile double physique.
À l’œil nu, la brillante Mizar et la plus faible Alcor sont bien séparées. Elles constituent une étoile double optique, car bien que visuellement proches dans le ciel, elles sont en fait très éloignées l’une de l’autre, et n’ont aucun lien physique.
Dans un télescope, le spectacle est autre : Mizar s’avère être une jolie étoile double (et même multiple, comme Alcor, mais seulement détectable dans des télescopes professionnels) : les deux composantes visibles forment une étoile double physique, car regroupées dans un même système stellaire. Par contre, elles ne brillent pas par leur couleur chatoyante : elles sont désespérément blanches…
Gamma Dauphin
Encore une binaire facilement repérable dans le ciel estival. Située au bout du nez de la constellation du Dauphin, une des rares constellations qui ressemble à ce qu’elle est censée représenter, gamma du Dauphin est de toute beauté dans un grossissement moyen. Elle arbore de jolies couleurs : jaune et vert. À ne pas manquer !
Rasalgethi
L’étoile principale de la constellation d’Hercule est située à sa base. Il ne faut pas la confondre avec sa proche voisine Rasalhague, de la constellation d’Ophiuchus. Cette étoile double serrée est tout juste séparée avec un grossissement moyen dans un 200mm. La vision est alors spectaculaire. Pour plus de confort, on peut préférer un grossissement plus fort.
La composante principale apparaît orangée. Sa compagne, plus faible, semble gris/vert
Izar
Toujours plus serrée, Izar (Epsilon Bootis) est magnifique à observer dans un télescope de 200 mm de diamètre à fort grossissement. Son repérage est facile, elle fait partie du grand cerf-volant de la constellation du Bouvier, au-dessus et à gauche de la brillante Arcturus. En luminosité, l’étoile principale domine largement sa compagne, et alors que le jaune caractérise la première, quelques faibles nuances de bleu soulignent la seconde.
Epsilon Lyre
Facilement repérable aux côtés de la brillante Vega, dans la constellation de la Lyre, Epsilon est une cible appréciée par les amateurs. Et pourtant, quoi de plus banal que cette étoile double relativement lâche ?
Pourtant, à y regarder de plus près, voire de BEAUCOUP PLUS près, elle dévoile son secret : chaque composante de l’étoile double est elle-même double ! D’où le surnom donné à Epsilon Lyrae : la double-double… Pour cela, il faut évidemment grossir, un oculaire de 7 mm dans un télescope de 200 mm de diamètre permet l’étonnant spectacle.
Jabbah (le hutt 😉 )
Encore une autre double-double du ciel d’été, en bien plus serré encore ! Dans un 200 mm, avec un oculaire de 7mm, seule l’une des deux composantes est tout juste séparée. La seconde l’est presque, si la turbulence qui fait danser les images nous laisse tranquille. Elle prend alors la forme d’une cacahuète ou d’une patate allongée, qu’un instrument de plus grand diamètre séparera plus aisément.
Le repérage de Jabbah (Nu Scorpii) est relativement facile, elle se situe à gauche de la brillante Graffias (Beta Scorpii), dans la tête du Scorpion.
Graffias
Puisque vous êtes dans les parages avec Jabbah, faites donc un tour voir Graffias. Voilà une étoile double des plus classiques, de couleur blanche, mais très agréable à observer dans un grossissement moyen dans la tête du Scorpion… Et accessible aux instruments modestes !
Nu Dragon
Si vous en avez assez des étoiles doubles trop serrées, en voilà une qui vous plaira. Son repérage est facile, elle est la plus faible étoile du quadrilatère formant la tête du Dragon. Et la séparer constitue un jeu d’enfant, même avec le grossissement le plus faible. Quant à ses couleurs, rien de bien spectaculaire non plus, blanc sur blanc…
70 Ophiuchus
Voilà une jolie petite binaire pour qui voudrait sortir un peu des sentiers battus ! Son repérage est moins aisé, car située dans une constellation aux contours peu évidents, Ophiuchus, Sachez seulement qu’elle est repérable à l’Est-Sud-Est de Beta d’Ophiuchus (Cebalrai), comme étant à la pointe Est d’un petit triangle isocèle visible à l’œil nu dans cette région du ciel.
A fort grossissement, le duo est très esthétique, de couleur jaune orangé, et plutôt serré. A voir !
Eta Cassiopée
La repérer est un jeu d’enfant, à gauche de la pointe droite du W de Cassiopée. Ce qui frappe, c’est la différence de luminosité entre les deux composantes, le contraste est saisissant. Elle est parfaitement séparée dans un grossissement moyen. Quant aux coloris, si le jaune transparaît de l’étoile principale, il est difficile de percevoir une coloration de sa faible compagne.
61 Cygne
Pour finir, impossible de passer à côté de 61 Cygni, ce petit bijou méconnu, en tout cas inconnu de moi avant cet été 2015. Elle est simplement magnifique… Son repérage dans la constellation du Cygne n’est pas très aisé, mais avec un peu de patience, on y arrive. Il est vrai que le Cygne ne manque pas d’étoiles… Pas très loin de Deneb, 61 Cygni porte un surnom évocateur et mystérieux : l’étoile volante de Piazzi… Rien de surnaturel pourtant, l’explication est simple. Dans ses observations successives, l’astronome italien Piazzi avait remarqué que cette étoile semblait se déplacer par rapport à la voûte céleste environnante, d’où l’étoile volante. 61 Cygni est juste très proche de notre système solaire, ce qui met en évidence des effets de parallaxe très marqués…
Mais ce qui fait toute la beauté de cette binaire, c’est sa couleur : deux naines rouges, à peine plus serrées qu’Albireo ! Un faible grossissement suffit donc pour les séparer. Albireo peut trembler pour son statut de « Plus belle double du ciel boréal »… Le seul défaut de 61 Cygni est sa magnitude (+5,2), lui permettant certes d’être visible à l’œil nu dans un ciel sans lumière parasite, mais la rendant anonyme, perdue dans ce fourmillement d’étoiles qu’est la constellation du Cygne. N’attendez pas pour la découvrir !