Sixième étape : les galaxies
Nous entamons maintenant notre dernière escale dans le ciel profond estival (le ciel profond est le terme utilisé pour désigner les objets du ciel se situant en dehors de notre système solaire). Autant le dire tout de suite, l’été n’est pas la meilleure saison pour observer les galaxies. Enfin si, une seule : la nôtre ! La Voie Lactée nous comble déjà suffisamment… Toutefois, il y a quand même matière à se promener dans ces univers-îles. Pour cela il faudra plonger rapidement dans les galaxies du Printemps avant que celles-ci ne se couchent à l’ouest ou soient trop basses sur l’horizon. Ou bien attendre patiemment que les galaxies de l’automne prennent de la hauteur sur l’horizon Est.
Mais trêve de bavardage, les galaxies du printemps ne nous attendront pas !
M 81 – 82
Ce duo de galaxies est un grand classique. Et plutôt facile à repérer ! Enfin, sauf quand ça veut pas. Cela arrive, parfois, surtout lorsque la Grande Ourse se trouve au zénith. Pensez donc, au zénith, c’est des coups à se tordre le cou ! Heureusement, l’été avançant, ce n’est plus trop le cas. Et donc pour repérer M 81 et M 82, tirez la diagonale entre gamma et alpha de la grande casserole (Phad et Dubhe), prolongez la une fois, vous ne devriez pas être très loin du but.
Les deux galaxies sont déjà accessibles aux jumelles, surtout M 81. A faible grossissement dans un instrument modeste, vous aurez plaisir à les contempler ensemble, la distance qui les sépare visuellement étant à peine supérieure au diamètre de la pleine Lune. M 81, aussi appelée la galaxie de Bode, présente un disque brillant, nébuleux, ovale, avec un noyau lumineux. Pour espérer apercevoir ses bras spiraux, il faudra vous équiper d’un télescope de 400mm ou plus. Quant à M 82, la galaxie du Cigare, sa structure irrégulière en forme de… cigare est évidente dans un 115mm. D’autres détails seront accessibles dans un diamètre supérieur.
M 108
Ce n’est pas que M 108 soit facile à observer dans un petit instrument. N’espérez pas l’apercevoir aux jumelles. Mais son repérage est amplement facilité par la proximité de l’étoile Merak de la Grande Ourse. Située à 1,5 degrés Sud-Est de cette dernière, elle apparaîtra sous la forme d’une tache floue allongée dans un 115mm. Avec un 200mm et plus, des petits « pouics » seront perceptibles dans sa structure, en grossissant un peu. Mais amusez-vous aussi à l’observer à faible grossissement dans un oculaire à grand champ de vision, elle sera alors accompagnée par la petite nébuleuse du hibou, que l’on a abordé précédemment. Encore un joli duo !
M 101
Il y a parmi le très riche bestiaire de galaxies de la constellation de la Grande Ourse un magnifique spécimen, visible par le dessus : M 101. La repérer ne posera pas beaucoup de problème, elle forme la pointe d’un triangle quasi isocèle dont la base serait constituée des deux étoiles de la queue du plantigrade, Alkaid et Mizar. La repérer est une chose, l’observer est une autre paire de manche… En effet, la densité d’étoiles d’une galaxie vue par le dessus est forcément moins grande que si elle était vue par la tranche, sa luminosité est donc moindre. Et c’est le cas ici pour M 101.
Elle est pourtant accessible aux jumelles, pour peu que vous ayez un ciel bien sombre. À faible grossissement, M 101 apparaît comme une tache pâle et étendue dans un petit instrument et de nombreux détails sont perceptibles à partir d’un 250mm. Dans tous les cas, elle constitue un test pour la qualité et l’obscurité de votre ciel…
M 51
Quittons la Grande Ourse pour la constellation voisine des Chiens de Chasse. Elle ne brille pas par l’éclat de ses étoiles principales, mais elle abrite l’une des plus belles galaxies du ciel boréal : M 51. Pour la repérer, tracez une perpendiculaire (approximative) au segment Alkaid – Mizar, en passant par Alkaid. Descendez de 3,5 degrés. Vous êtes arrivé.
Avec sa superbe esthétique, M 51 est l’une des cibles privilégiées des astrophotographes, mais pas seulement. Encore une galaxie vue par le dessus. Surnommée la galaxie du Tourbillon, elle a la particularité de montrer deux galaxies en interaction. Déjà accessible dans des jumelles relativement puissantes, elle laisse apparaître deux taches d’inégale grandeur disposées côte à côte dans un petit instrument. La structure spirale autour du noyau principal, brillant, est visible dans un 200 mm. Quant au pont de matière reliant les deux galaxies, il sera perceptible dans un diamètre supérieur. À ne pas manquer !
M 106
Encore une très belle galaxie, et qui plus est, accessible aux instruments les plus modestes ! Pour repérer M 106, vous pouvez tenter de reprendre le même axe tracé pour M81 – 82, mais dans l’autre sens, vers le bas. En suivant ce chemin, la galaxie se trouvera à 7,5 degrés de Phad (aussi connue sous le nom de Phecda).
Visible aux jumelles, elle prend la forme d’une grande tache floue, un peu ovale et lumineuse, dans des petits instruments. plusieurs petites galaxies voisines seront visibles dans le même champ à partir d’un 200mm. Quant à percevoir des détails de sa structure ainsi que ses bras spiraux, un 250mm sera nécessaire.
M 63
Allez, un peu plus compliqué, non pas à observer, mais à repérer. Quoique. Repérez la figure de la constellation des Chiens de Chasse, constituée des étoiles 20 CVn, Cor Caroli (Alpha CVn) et Chara (Beta CVn) L’étoile qui nous intéresse est 20 CVn, la moins brillante des trois. Ça commence bien… Et bien, M 63 est à rechercher à 1,5 degré au nord de cette dernière. On doit pouvoir y arriver…
Surnommée la galaxie du Tournesol, elle est facilement accessible dans des jumelles ordinaires. Sa structure ovale et son noyau brillant attirent l’œil de l’observateur dans un 115mm. Et dans un 200mm et plus, elle est pétante, brillante, avec nombre de détails…
Ngc 4631
J’aurais pu encore évoquer nombre de galaxies du Printemps, Seulement voilà, à cette heure avancée de la nuit, beaucoup d’entre elles ont tiré leur révérence. Il fallait faire un choix… Si je voulais clore cette première partie du programme galactique de ce jour, j’opterais sans hésiter pour la Baleine et son Baleineau, surnom donné aux galaxies ngc 4631 et 4627. Par contre, atteindre cette inaccessible étoile, heu, je veux dire galaxie, est quelque peu ardu! J’avoue, je sèche un peu à vous trouver un chemin un tant soit peu praticable… À 6,5 degré sud-ouest de Cor Caroli? À 5,5° nord-est de gamma de Coma Berenices ? Ou alors, la solution que j’utilise le plus souvent avec cet objet : une monture motorisée munie d’un GOTO bien réglé… L’informatique, ça a du bon, parfois…
Une fois repérée, vous observerez aisément sa forme oblongue dans un télescope de 115mm de diamètre, sans plus de détails. Dans un 200mm et à faible grossissement, vous devinerez faiblement une autre galaxie à proximité, « La Crosse de Hockey », ngc 4656. En poussant un peu le grossissement, des détails sur sa structure irrégulière commencent à poindre, ainsi que son petit baleineau, galaxie naine accrochée à son dos. Et avec un diamètre supérieur, la richesse de ses détails vous surprendra…
M 33
Il est grand temps de basculer dans la région des galaxies de l’automne. En commençant par un objet superbe mais exigeant. Il s’agit de M 33, dans la constellation du Triangle. À l’instar de M 101, elle ne supporte pas des ciels approximatifs. Vous pouvez la repérer en traçant une ligne entre Beta d’Andromède et Alpha du Triangle, à un tiers de la distance, en partant de cette dernière.
Galaxie vue par le dessus, ce qui frappe de prime abord dans la galaxie du Triangle, autre nom donné à la galaxie, c’est sa taille réellement imposante. Vous l’observerez aux jumelles comme une tache très diffuse. Du fait de sa taille et de son côté « belle évaporée », ne cherchez pas à grossir dans un petit télescope, elle risquerait de disparaître sinon. Des diamètres supérieurs permettront de capter partiellement quelques détails de structure. Mais dans tous les cas, rien ne sera possible d’observer sans un ciel de qualité, bien sombre !
M 31 – 32 – 110
Comment ne pas finir avec la plus belle des galaxies du ciel boréal… Je veux parler bien sûr de la Grande Galaxie d’Andromède ! M31 est la seule galaxie à être facilement visible à l’œil nu sous nos latitudes, son repérage en est d’autant plus facilité. En partant du côté Nord-Est du grand Carré de Pégase, comptez les brillantes étoiles qui constituent la constellation d’Andromède, une deux… Arrêtez-vous sur Mirach (Beta d’Andromède) et ne craignez pas son fantôme*, il est inoffensif. Remontez maintenant perpendiculairement jusqu’à Mu, reportez encore une fois la distance et… qu’est-ce que c’est que cette vague nébulosité? Andromède, bien sûr !
M 31 est absolument magnifique à observer aux jumelles, d’autant plus que ce sera probablement le seul moyen de l’admirer dans son intégralité. Sa taille est en effet gigantesque, six fois plus large que le diamètre de la lune ! Lumineuse et étirée dans les instruments les plus modestes, vous remarquerez outre son brillant noyau, deux petites tachounettes situées de part et d’autre de ce dernier. Il s’agit des galaxies satellites M 32 et M 110. Une grande richesse dans les détails sera perceptible avec des diamètres supérieurs…
Notre voyage interstellaire se termine maintenant. Il était temps, l’aube commence déjà à pointer. Malgré vos précautions vestimentaires, vous avez froid, l’humidité a réussi à s’immiscer (ah! ces sacrées chaussures !), d’ailleurs, les instruments dégoulinent de rosée. Pourtant, vous avez ce sourire béat de celui qui ne s’arrête pas à ces détails, de celui qui a fait un beau voyage, tout simplement. Oui, un beau voyage…
*Je veux parler de Ngc 404, « Le Fantôme de Mirach », une toute petite galaxie quasiment scotchée à la brillante étoile, la rendant difficile à observer sans quelques petites astuces…