Le travail se poursuit sur les miroirs au rythme d’un métronome. Afin de prendre en compte la disponibilité de chacun, nous nous retrouvons une semaine sur deux à pousser du verre, à raison de trois ou quatre séances. Ce sera encore le cas cette onzième semaine de l’année.
Samedi 4 mars, nous étions trois autour de Mo’aï, pendant que les autres membres de l’asso assistaient à une présentation autour des oculaires. L’Amiral, Yves et moi avions la lourde tâche de creuser d’un millimètre supplémentaire le centre du miroir durant cette séance. Nous nous sommes relayés pour enchaîner les séchées.
Avec le temps, Bryan et moi gagnons en assurance et en efficacité. Les débuts timides à « caresser » le miroir commencent à s’estomper, même si le stade du mode « bourrin » n’est pas encore atteint.
Yves, quant à lui, continue sur son rythme infernal…
Alors, allait-on atteindre notre objectif du jour?
Mesure de la flèche
Une bonne vingtaine de séchées plus tard, il était temps d’arrêter et de nettoyer. Grand temps même, en constatant l’état du chanfrein. A force de frotter les deux surfaces entre elles, le chanfrein de l’outil avait totalement disparu, risquant de provoquer des rayures sur la surface du miroir si on continuait le travail. Mais on reviendra très prochainement sur le chanfrein…
Une fois nettoyés miroir, outil et plan de travail, place à la mesure ! Mais que va-t-on mesurer, et comment ?
Un rappel d’abord. Dans la phase d’ébauchage, nous travaillons exclusivement miroir dessus, ce qui veut dire que nous frottons le miroir sur le disque-outil. L’effet induit de cette technique est que le miroir va se creuser en son centre et le disque-outil va au contraire se bomber. La mesure va permettre d’évaluer la taille du creux ou de la bosse. On parle alors de flèche.
Quels sont nos objectifs ? Pour Mo’aï qui vise une focale de 800 mm, sa flèche doit atteindre 3,223 mm. Le miroir de Bernard, avec une focale de 1000 mm, sa flèche sera moindre : 2,577 mm.
Pour mesurer, nous disposons de plusieurs outils. Le premier est d’utiliser un gabarit spécialement découpé pour représenter le rayon de courbure souhaité.
Mais ce moyen ne permet pas de savoir où on en est dans la phase intermédiaire. On a atteint l’objectif ou on ne l’a pas atteint. C’est tout.
Si on veut connaître la mesure exacte de la flèche et connaître précisément le chemin à parcourir pour atteindre le résultat espéré, il nous faut utiliser un autre moyen : le sphéromètre.
Le sphéromètre repose sur le disque à l’aide de trois vis pointeau. La touche centrale est mouvante verticalement et sert à mesurer la flèche qui s’affiche sur le cadran au-dessus.
Sur ce sphéromètre, les appuis peuvent être déplacés en fonction de la taille du miroir.
Attention, la flèche calculée par le sphéromètre n’est pas égale à la flèche réelle du miroir. En effet, le sphéromètre mesure la flèche en tenant compte du rayon compris entre la touche centrale et les trois points d’appui. La flèche à atteindre par le sphéromètre est ici de 2,533 mm.
Comment ça marche ?
Au préalable, il est nécessaire d’étalonner le sphéromètre. Il suffit de le disposer sur une surface plane et de le régler arbitrairement à une valeur supérieure à la flèche attendue (dans notre exemple, 4 mm)
On procède ensuite à la mesure successive de la flèche du miroir et celle du disque-outil. Puis on moyenne les deux résultats obtenus. Cette méthode permet de corriger les éventuelles erreurs de planéité de la surface de référence lors de l’étalonnage.
Comment lire la mesure ? Il y a deux cadrans, la petite aiguille donne l’unité qui est presque sur 5, la grande aiguille donne les centièmes, positionnée quasiment sur 2. Comme la grande aiguille est à droite du zéro, la mesure à lire est : 5,02 (et non 4,02)
Sur le miroir, la petite aiguille est près du trois, la grande aiguille indique 76,5. Cette dernière est à gauche du zéro, on doit lire alors 2,765
La moyenne obtenue correspond à la flèche que l’on veut mesurer.
Avec le calcul de la flèche, on peut alors estimer la focale avec la formule suivante :
F=(f²+r²)/4f
où f est la flèche moyenne mesurée (1,128) et r le rayon du sphéromètre (entre la touche centrale et les trois appuis : 90 mm)
On obtient ainsi une focale de 1796 mm, encore loin des 800 mm attendus. Encore un peu de travail en perspective…
Cette cinquième journée était la dernière bordée d’ébauchage avant de nombreux mois pour Bryan, surnommé l’Amiral au sein de l’asso, avant de nombreux mois. Bon vent l’amiral !